Les femmes ont ce petit quelque chose en plus, ce cocktail unique entre la vraie force et l’apparence de la fragilité.
Nous sommes partout, tout le temps, sur tous les fronts. Nous pensons à tout en même temps, et rarement, ou tout du moins plus sporadiquement, à nous. Tout repose sur nos épaules, aussi frêles soient-elles parfois.
Si on s’accorde de la relâche, c’est parce que nos tâches sont accomplies, que notre trêve d’un instant, d’une heure, d’une journée, ne nuira à personne. Nous tenons bon, nous trouvons la force, nous soutenons ceux auxquels nous tenons, toujours.
Chaque minute est chronométrée, chaque journée est organisée, chaque geste, chaque allée et venue. Les impératifs et désirs des autres sont nos priorités. Le goûter préféré de l’un, le match de foot de l’autre, les devoirs à signer, le dîner à préparer, les paperasses à ordonner, les courriers à poster, les invitations à honorer, les contrariétés à écouter, la salle de bain à ranger, la belle-famille à appeler, le linge qu’il faut laver, les plantes à arroser, les vacances à planifier, les désirs de l’autre à contenter, les leçons de vie à dispenser, les gros mots à corriger, les courses à lister, les économies à réaliser, les bobos à soigner, les Noëls à orchestrer.
Souvent discrètes, dans l’ombre, souvent sans attendre de « merci ». Parfois sans en recevoir non plus.
Il faut même qu’on monnaye parfois, avec l’un de nos protégés, une somme symbolique certes, pour voir une pelouse tondue ou un colis posté.
Ne pas se plaindre, pour ne pas culpabiliser ceux dont nous prenons soin. Parce que c’est ainsi. Et parce qu’on se dit aussi que personne ne nous force, que c’est nous-mêmes qui nous imposons cela. Mais que c’est normal. Et que c’est bien, ainsi.
Pour ne pas charger les épaules de celui qui nous trouve si fantastique, qui nous admire pour notre sourire immuable et notre force incommensurable. Sa phrase à lui, c’est « je ne sais pas comment tu fais ». Nous, nous savons.
Pour ne pas non plus décevoir notre propre mère, qui, elle aussi, a fait tout cela pour nous. Être à sa hauteur. Et récolter l’admiration aussi de notre père, de nos frères parfois.
Le paradoxe de la féminité moderne
Ceci n’est pas une complainte. C’est la constatation de notre vie de femme, aussi belle ou confortable soit-elle. Même dans un cocon, même chérie, même épaulée, même aimée, même heureuse et épanouie, la femme donnera plus qu’elle ne reçoit. Ainsi va la vie, semble-t-il.
Qu’est-ce qui nous anime, nous constitue, pour que nous fassions preuve d’une telle abnégation, quelles que soient nos origines, notre éducation, notre milieu social ?
À mon sens, il y a plusieurs paramètres qui rentrent en ligne de compte.
Tout d’abord, nous sommes pour la plupart guidées par notre désir, voire notre besoin, de plaire, de conquérir, d’être aimées. D’où déjà notre obsession quasi générale parmi les femmes de contrôler notre apparence, de paraître sous notre meilleur jour. Dès notre plus jeune âge, nous tentons d’amenuiser nos défauts, d’amplifier nos atouts. Parfois, nous luttons même contre nous-mêmes, pendant des années. Ou toute la vie. Cette quête de la beauté et de sa reconnaissance s’avère intergénérationnelle.
Notre « enveloppe » reflète ce que nous sommes, pense-t-on, à tort ou à raison.
Corriger. Atténuer. Redessiner. Amplifier. Améliorer. Effacer. Ressembler.
Parfois au détriment de notre santé.
Et si on y réfléchit… par quoi sommes-nous guidées ?
Il semblerait que ce soit toujours par notre envie d’être aimées. Aimées telles que nous sommes, quitte à devenir les mêmes, mais en mieux.
L’union indissociable : chair, os et sentiments
Car, pour nous les femmes (je ne veux pas faire de généralité, ou mettre tout le monde dans le même sac, n’hésitez pas à rebondir sur ce blog si vous ne partagez pas mon avis ! Il n’engage bien sûr que moi 😊), les sentiments qui nous animent, notre corde sensible qui nous fait vibrer, notre amour souvent inconditionnel, nous procurent une force de titan.
C’est en ce sens que j’aime à parler de chair, os, et sentiments.
Car à mon sens, pour nous les femmes, les trois sont liés. Nos sentiments font, d’ailleurs, très souvent, fluctuer notre corpulence : énergie débordante et motivation sans limite en vue de sculpter notre corps lorsque nous sommes amoureuses, flemme aiguë et camouflage au fond de notre canapé lorsque nous avons le cœur brisé.
Perte d’appétit lorsque nous sommes amoureuses, fringales incontrôlables quand nous sommes contrariées et déprimées, allant jusque parfois à des troubles plus sévères du comportement alimentaire tels que l’anorexie ou la boulimie… oui, donc, nos sentiments façonnent notre être.
Alors oui, on nous aime pour notre beauté intérieure. Oui, notre douceur compte plus que notre tour de poitrine. Oui, notre charme résiste dans nos petites rides naissantes et Chéri nous aime avec elles. Et notre aura traverse les saisons.
Toujours est-il qu’il y a des hivers.
Et que nous, nous luttons contre nous-mêmes. Contre ce corps qui change au fil des grossesses ou simplement des années, contre cette peau qui refuse de rester douce, contre ces cheveux qui ne veulent plus se discipliner d’un simple coup de brosse, contre ces escarpins qui ne veulent plus de nos pieds, contre cette énergie qui parfois nous quitte, contre ces marques du temps qui ne cessent de se creuser.
Rester celle que nous sommes
Toujours guidées par nos sentiments, toujours poussées par ce besoin d’être aimées, nous refusons de changer, de laisser le temps agir sur nous. Nous continuons de penser qu’avec un peu d’efforts et beaucoup de volonté, nous restons toujours aussi vaillantes et indestructibles, aux yeux de tous.
Nous continuons de sourire. Nous continuons d’être toujours là aux réunions parents-professeurs. Nous continuons de servir la meilleure tarte aux abricots du quartier. Nous continuons de faire la fierté de belle-maman. Nous continuons d’écouter, de soutenir, d’épauler, d’apaiser, de deviner, de guider, d’aimer.
De faire bouclier à la cruauté qui pourrait blesser ceux qu’on aime, tomber à leur place si nécessaire. Empathiques et serviables dans toutes les situations. Debout quelle que soit l’heure pour guérir ou bercer. Notre sensibilité comme puissante source de force. Résilientes. Capables de tout affronter. Capables de miracles.
Chair, os, et sentiments : tout ceci est mêlé, notre enveloppe corporelle, notre force intérieure, notre cœur. C’est ainsi qu’est la Femme. Pas seulement celle d’aujourd’hui, celle d’hier aussi, et celle de demain. Nos grands-mères, nos mères, nos filles. D’ici ou d’ailleurs.
« On ne naît pas femme, on le devient », écrivait Simone de Beauvoir. C’est très vrai.
Alors, essayons. Essayons juste de laisser, parfois, nos sentiments prendre le dessus. Écoutons notre cœur, notre âme. Et écoutons-nous, aussi. Suffisamment pour rester celle que nous sommes.